Les racines éthologiques de l'agressivité


Qu'est-ce que l'éthologie ?


Meute de loups se disputant les restes d'une proie

Ethologie = Biologie du Comportement

  • ... du comportement des animaux dans leur milieu naturel
  • ... et du comportement humain

L'éthologie est une science qui étudie le comportement des animaux (et de l'homme) dans leur milieu naturel.

L'éthologie peut être rapidement caractérisée comme la discipline qui étudie l'intelligence et les comportements de l'animal en milieu naturel, en captivité ou dans ses relations avec l'humain.

Risques de confusion

Ne pas confondre éthologie avec :

Ethnologie

Le terme est voisin par sa prononciation, mais ce n'est pas la même chose.

L'ethnologie est une science humaine qui étudie les différents moyens dont se servent les hommes pour vivre ensemble. L'ethnologue étudie les différences de modes de vie dans les différentes sociétés en gardant toujours à l'esprit qu'il n'existe qu'un seul genre humain. Pour vivre en société, hommes et femmes affrontent à peu près tous les mêmes problèmes. Mais chaque société y répond de façon différente.

Jusqu'à la deuxième guerre mondiale, le mot "ethnologie" désignait l'étude de sociétés dites "primitives" et lointaines.

Risques de confusion (suite)

Autre confusion possible : avec l'Anthropologie :

l'anthropologie est une science sociale et/ou humaine dédiée à comprendre la diversité humaine du Monde entier à travers son évolution biologique et culturelle, ses modes de production, ses structures sociales, ses traditions, ses coutumes et ses langues, le tout depuis le passé le plus lointain jusqu'aujourd'hui. Donc pour l'anthropologie la diversité humaine se situe dans des dimensions biologiques et culturelles et dans des plans temporels du passé et du présent.

 

Mais il existe une éco-éthologie

Ecologie

Science des interactions entre les organismes vivants (l'homme y compris) et le milieu, et des organismes vivants entre eux.

Eco-éthologie :

L'éco-éthologie s'intéresse plus spécifiquement à l'adaptation à l'environnement et cherche à résoudre la question suivante : comment et au prix de quel coût énergétique un animal accomplit-il une certaine tâche, et quelles sont les structures sociales qui se développent et dans quel environnement ?

Quels sont les pères fondateurs de l'éthologie ?

Konrad Lorenz : "L'éthologie est l'application des méthodes biologiques orthodoxes aux problèmes de comportement."

ou encore : "L'éthologie consiste à appliquer au comportement animal et humain toutes les interrogations et les méthodes qu'il paraît naturel d'appliquer dans toutes les autres branches de la biologie depuis les découvertes de Charles Darwin."

Niklaas Tinbergen : "l'éthologie est la science objective du comportement"

Karl Von Fritsch ...

En 1973, ces trois personnages ont reçu le Prix Nobel de Médecine et Biologie. Il s'agit de trois chercheurs qui chacun dans leur domaine ont fait avancer cette discipline. C'est une date importante car elle marque la reconnaissance de l'éthologie comme discipline à part entière.


 

Konrad Lorenz, l'homme de l'oie cendrée

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Konrad Lorenz dans l'étang de sa propriété familiale avec ses oies "imprégnées"

Le premier de ces personnages est le zoologue autrichien Konrad Lorenz.

Il a écrit sur le tard un ouvrage sur l'agressivité : "L’agression, une histoire naturelle du mal" (1969)
Les huit péchés capitaux de notre civilisation, Flammarion, 1973.

Niklaas Tinbergen, l'homme du goéland argenté et de l'épinoche

tinbergen

Niklaas Tinbergen en train de préparer des leurres pour les goélands

Le deuxième de ces hommes est le zoologue Néerlandais Niklaas Tinbergen.

C'est l'inventeur de la technique des leurres.

Un leurre coloré en rouge peut facilement déclencher l'agressivité d'u rouge-gorge...

Karl Von Fritsch, l'homme des abeilles

Karl Von Fritsch en train d'observer des abeilles à la recherche de nourriture

Le troisième est le zoologue Autrichien Karl Von Fritsch.

Des études sur des espèces exotiques d'abeilles ont montré que certaines pouvaient être beaucoup plus agressives que celles que nous connaissons en Europe

L'agressivité au sens de la biologie

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Pour les biologistes, et notamment LORENZ, l'agressivité est un instinct naturel lié à la satisfaction des besoins vitaux tels que :

  • manger
  • ne pas être mangé
  • ne pas être racketté
  • se reproduire
  • élever et protéger ses petits

    Mais il n'y a pas de véritable agressivité entre des individus d'espèces différentes (le lion n'est pas agressif envers la gazelle). L'agressivité existe par contre entre les individus d'une même espèce, sous forme de comportements de menace, de soumission, de compétition, d'agression... C'est un facteur biologique inné. Ainsi les animaux sont-ils plus agressifs intra-espèce qu'extra-espèce (par exemple le vautour tue sa proie sans agressivité, mais les combats de mâles de même espèce sont agressifs). Cela est vrai pour l'homme. L'agressivité est un mode de survie pour établir ou créer, par la relation Vainqueur/Vaincu, une différence entre les antagonistes, ce qui permet de palier à la confusion.

  • L'agressivité au sens de la psychologie

    La psychologie et la psychanalyse confirment l'origine biologique de l'agressivité. Le désaccord réside dans le sens donné au mot qui sera réservé soit à tout acte de caractère hostile, destructeur, soit à toute tendance active tournée vers l'extérieur, comme l'affirmation de soi, la possession, ou toute utilisation pour satisfaire ses besoins vitaux. Le deuxième sens, psychologique, est donc plus général.

    Quels rapports entre l'agressivité et la violence ?

    L'agressivité est un potentiel, une prédisposition

    Il faut distinguer entre l'agressivité et le potentiel agressif, représenté par les armes (naturelles) dont dispose l'individu.

    La violence est un acte, ou une série d'actes, quelquefois une habitude.

    D'où vient cette pulsion ?

    Les individus qui présentent une certaine dose d'agressivité ont plus de chances de survivre et de se reproduire que les autres. On peut dire que l'agressivité est un trait héréditaire qui a été sélectionné.

    L'éthologie moderne est une biologie évolutionniste du comportement

    La sélection naturelle est expliquée par la théorie de l'évolution.

    Charles Darwin

    La théorie de l'évolution a été fondée par Charles Darwin

    (Rappel de la théorie de l'évolution)

    Il y a deux agressivités

    L'agressivité inter-spécifique ou agressivité de prédation (prédateur/proie)

    L'agressivité intra-spécifique (entre individus de la même espèce ou assimilés)

    Prédateurs...

    Lionne (Panthera leo) aux aguets

     

    ...et proies

    Des antilopes, proies habituelles des lionnes

     

    Agressivité sociale

    Macaca fuscata

    Agressivité sociale chez le macaque du japon (Macaca fuscata)

    L'agressivité de prédation s'exerce (en principe) contre des animaux d'espèces différentes. On l'appelle agressivité inter-spécifique, par opposition à l'agressivité intra-spécifique qui s'exerce contre des animaux de la même espèce.

    Une question de ressources ?

    Le terme de ressources ne doit pas être réservé aux seules ressources alimentaires. Les places de sommeil, les partenaires sexuels peuvent aussi être qualifiés de ressources...

    Lorsque l'on étudie le comportement des animaux, il y a une chose qui apparaît comme fondamentale en dernier ressort : c'est la question des ressources. Ressources alimentaires, en premier lieu, d'autres types de ressources ensuite : places de sommeil, etc..

    Sélection naturelle et sélection sexuelle ?

    brame

    Un cerf et les femelles de son harem

    La sélection naturelle affecte les individus dans leur survie individuelle.

    La sélection sexuelle désigne les individus qui pourront se reproduire.

    Quel est le but du Grand Jeu ?

    ... se reproduire

    On peut considérer que tous les animaux (y compris l'Homme) sont en compétition dans un "Grand Jeu" (cF Kipling) aux termes duquel chacun essaye de faire passer ses gènes à la postérité.

    Faire passer ses gènes à la postérité ?

    Les petits porteront les gènes des parents

    A chaque génération, les gènes des deux parents sont remélangés, avec des bonheurs variables...

    ... éliminer les gènes des autres

    Infanticide chez le lion

    Certains comportements ont pour effet d'éliminer les gènes des autres "concurents"

    Les lions mâles peuvent à l'occasion de la prise de contrôle d'un harem, tuer les lionceaux...

    Quels pré-requis pour la reproduction ?

    Un harem, cela se conquiert de haute lutte...

    Les mâles adultes se livrent à des combats rituels pour le contrôle des groupes de femelles ou "harems"

    C'est ce que l'on appelle la "sélection intra-sexuelle"

    Territoire ou rang social ?

    Pour intéresser les femelles, il faut disposer de ressources.

    Les ressources en question peuvent être :

    • soit un territoire
    • soit une situation élevée dans la hiérarchie

    Après la sélection intra sexuelle a lieu la sélection inter sexuelle.

    Pourquoi un territoire ?

    Un couple de Frégates sur leur territoire

    Le territoire est utile pour les resssources qu'il renferme, essentiellement la nourriture.

    Combien de sortes de territoires ?

    1. Territoire à tout faire

    L'exemple du rouge-gorge

    Le territoire à tout faire permet de trouver de la nourriture pour les deux parents et leurs petits, on peut s'y accoupler et y élever les petits.

    Ce territoire est contrôlé par son propriétaire et défendu contre les congénères.

    ici le rouge-gorge manifeste sa présence par des chants, ce qui maintient à distance les autres rouge-gorges.

    2. Territoire de nidification

    L'exemple du goéland argenté

    Un territoire de nidification, comme son nom l'indique, comprend le nid, où les parents peuvent s'accoupler et élever les petits, mais les ressources alimentaires sont extérieures.

    Dans les colonies de goélands, les territoires sont quelquefois très proches, à la distance du "coup de bec"

    Les oiseaux se nourrissent en mer où ils se tolèrent mutuellement

    3. Territoire d'accouplement : lek ou arène

    L'exemple de la gélinote des sauges

    Les territoires d'accouplement, comme leur nom l'indique, ont pour fonction l'accouplement.

    Ils sont occupés par les mâles, les plus anciens au milieu, les plus jeunes à la périphérie.

    Les femelles arrivent et choisissent les mâles avec qui s'accoupler (la sélection inter sexuelle joue à plein)

    Ce système existe chez les espèces sujettes à une importante pression de prédation.

    Pourquoi la hiérarchie ?

    La hiérarchie est un système économique pour déterminer qui doit avoir la priorité pour les ressources.

    Pour nous autres humains éduqués dans la philosophie des lumières, avec des notions d'égalité, c'est un système insupportable.

    C'est (encore) une question de ressources (ou plutôt d'accès aux ressources). Quand il n'y a pas assez de nourriture pour tout le monde, il faut trouver des moyens d'effectuer la répartition, ou de définir quels animaux seront prioritaires.

    L'ordre social du coup de bec

    ...encore appelé "Peck-Order"
    parce qu'il a été mis en évidence chez les coqs et les poules

    Pour définir quels seront les animaux prioritaires, il y a deux méthodes :

    1. la méthode "au coup par coup"

      Dans ce cas il faut se battre pour chaque morceau de nourriture, ce qui est coûteux en énergie, et qui peut entraîner des blessures.

    2. la méthode "une fois pour toutes"

      Les animaux se battent une bonne fois et ensuite c'est le gagnant qui aura la priorité le reste du temps.

    Le gagnant devient l'animal dominant de la troupe. Il bénéficie désormais de la priorité pour l'accès aux diverses ressources comme la nourriture, les femelles et les places de repos. C'est le mâle alpha.

    La hiérarchie de la basse-cour

    Il est assez courant que dans une troupe, il n'y ait pas seulement un dominant, mais aussi une hiérarchie d'individus que l'on peut placer sur les barreaux d'une échelle. En dessous du mâle alpha il y a un mâle bèta, et en-dessous de bèta il y a gamma et ainsi de suite...
    Les combats pour l'établissement de la hiérarchie ne sont pas toujours d'une grande intensité. On utilise le terme de combats ritualisés.

    L'Alpha et l'Oméga

    Dans la troupe il est courant que le dominant administre un coup de bec à son inférieur immédiat pour lui rappeler sa supériorité.
    Pour l'observateur, il suffit quelquefois de compter le nombre de coups de bec distribués pour savoir la position hiérarchique de l'animal.

    L'animal qui reçoit des coups de bec de tout le monde et qui n'en donne à personne est l'animal Oméga, le plus inférieur de tous...

    L'héritabilité du rang social

    Le toilettage réciproque ou "grooming"

    Le toilettage réciproque ou "grooming" est la manifestation, soit d'un lien affectif, soit d'une subordination, soit encore d'une pulsion sexuelle.

    Nos cousins les grands singes

    gibbon
    Gibbon
    orang
    Orang
    gorille
    Gorille
    bonobo
    Bonobos

     

    L'homme, primate ou carnivore ?

    stampeed

    Scène de chasse

    Les peintures rupestres que nous ont laissé nos ancètres préhistoriques témoignent de notre passé de chasseurs. Il est aisé de se rendre compte qu'ils étaient préoccupés par les animaux dont ils se nourrissaient.

    ... mais pas seulement par les animaux

    Un passé de chasseur-cueilleur

    Reconstitution picturale d'une scène de chasse d'une époque préhistorique

     

    Les derniers chasseurs-cueilleurs

    bushmen

    Bushmen du Kalahari

    Il existe encore (ou il existait récemment) des groupes humains contemporains au mode de vie chasseur-cueilleur

    Peut-être un charognard

    Ce n'est pas très glorieux, mais nos lointains ancètres hominiens ont sans doute été des charognards avant d'être des chasseurs.

    Leurs armes, mêmes très simples, leur ont sans doute permi de soustraire les proies des grands mammifères chasseurs "professionnels"

    Pour l'espèce humaine, est-ce que seuls les gènes comptent ?

    Qu’en est-il d’une éthologie humaine ?

    Rappel : Lorenz et Tinbergen ont traité du comportement de l’homme (cf. aussi Darwin)

    Il y a deux voies de recherche possibles :

    1. transposition de modèles de l’animal à l’homme (ex de concepts tels que territoire, hiérarchie …)
    2. transposition de méthodes à l’étude directe des comportements humains :
      (ex : chez l’enfant en période prélangagière)

    Et les enfants ?

    Les observations de Hubert Montagner dans les crèches

    Leaders, dominants, dominés et agressifs

    L'importance de l'influence parentale

    Qu'est-ce que les mèmes ?

    L'originalité profonde de l'espèce humaine est sa capacité à utiliser le langage, et à s'en servir pour transmettre la culture.

    Certains éléments culturels se multiplient et se propagent selon des mécanismes qui rappellent les gènes

    On a appelé ces éléments des mêmes

    Coopération versus compétition

    La capacité des humains à communiquer leur ont conféré de grandes possibilités de coopération

    Ce n'est plus la compétition qui régit les rapports entre les individus, mais la coopération.

    Les guerres préhistoriques

    Représentation d'une scène de guerre préhistorique

    Est-ce qu'il y a plus de guerres à notre époque moderne qu'il y en a eu aux époques préhistoriques ?

    Certains paléontologues et ethnologues pensent que l'espèce humaine a un long passé de comportements conflictuels

    Deux ouvrages récents...

    L'animal le plus dangereux

    Enfant-soldat.JPG

    C'est l'Homme...

    Il faut tout de même noter que notre espèce a été responsable de la disparition d'un grand nombre d'espèces animales.

    Cela a commencé aux époques préhistoriques, a continué à l'époque moderne, et continue de nos jours de manière indirecte.

    Quel futur ?

    No future ?

    On pourrait penser que le futur sera pire que le présent. Toutefois certains auteurs considèrent que l'espèce humaine a eu une préhistoire plus belliqueuse que l'histoire récente.

    Conclusion :

    L'éthologie peut nous fournir une grille d'analyse de notre comportement

    Une grande question : pouvons nous éviter de nous éteindre nous-même en tant qu'espèce ?

    Sommes-nous adaptés à notre propre agressivité ?