James Sommerville & Shirley Dalziel
International Journal of Project Management, Vol:16, no.3, 1998, pp165-171.
Compte-rendu de lecture par Émilie Garnier
Dans le cadre du cours de gestion de projets internationaux, hiver 1999, programme de maîtrise en gestion internationale, Faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval, Professeur Gérard Verna
Introduction
L'importance des équipes dans un projet de construction est cruciale. On sait par contre peu sur le comportement des membres en équipe, comment mesurer le succès et ce qui fait une bonne équipe. Il est reconnu par ailleurs que les individus ont différents comportements, habiletés et moyens d'apprentissage. Lorsque ces différences individuelles sont bien combinées, on forme les meilleures équipes. Aujourd'hui de plus en plus de chercheurs tentent d'identifier les facteurs responsables du succès d'une équipe pour ainsi permettre au manager de d'effectuer de meilleurs sélections, de donner un meilleur entraînement et donc d'augmenter la motivation et par le fait même les profits. Des tests psychrométriques qui tentent d'évaluer les candidats sont disponibles sur le marché : Scutz, Cox et Cooper, Belbin·Ce dernier, aussi connu sous le nom de BTRSPI (Belbin's team-role self perception inventory), fait l'objet des investigations des auteurs de cette étude, et ce dans le but d'aider les managers des projets de construction dans la constitution d'équipes.
Objectif
Dans l'étude de James Sommerville & Shirley Dalziel, cinq hypothèses sont vérifiées :
1-Est-ce qu'une analyse factorielle des rôles joués dans une équipe confirme les 4 dimensions de Belbin (négociateur, manager-travailleur, intellectuel, et leader) ou encore les trois facteurs de Furnham ?
2-Y-a t-il une différence entre les étudiants de facultés différentes ? Plus précisément, les étudiants sont-ils attirés vers différents programmes à cause de leur rôle joué dans un groupe et leur profile ou est-ce seulement le résultat de leur choix de carrière?
3-Est-ce que le BTRSPI varie selon le sexe du répondant (homme/femme) ?
4-Est-ce que le BTRSPI vient appuyer les résultats obtenus à l'aide d'un deuxième test, soit le HBDI (Herrmann Brain Dominance Instrument) ?
5-Est-ce que l'échelle introversion-extroversion de Belbin (BTRSPI) correspond à la perception qu'a un individu de lui-même, selon le test du HBDI ?
Méthodologie
2 tests, le BTRSPI et le HBDI, ont été remplis, pendant une heure chacun, par 92 étudiants de Glasgow Caledonian University. Les hommes représentaient 41% des sujets et les femmes, 59%. Ils étaient âgés entre 18 et 52 ans et provenaient de trois secteurs différents : Administration, Génie et Orientation & Counselling. Le BTRSPI était évalué à partir de la nouvelle version de 70 énoncés et grâce à l'échelle de Likert.
BTRSPI
Le choix par les auteurs d'effectuer une analyse plus poussée du test de Belbin reposait sur 2 critères :
1- Ce test est le plus utilisé au Royaume-Uni (leur pays) par les grandes firmes.
2- Ils voulaient savoir s'il y avait un lien entre le rôle joué par l'individu dans un groupe et le rôle selon la profession exercée, ce que Belbin niait.
Le BTRSPI a deux versions. L'une possède 56 questions faisant référence à 8 rôles d'équipe distincts : Plant (PL), Shaper (SH), co-ordinator (CO), Implemeter (IMP), Completer-finisher (CF), Resource investigator (RI), Monitor-evaluator (ME) et Team Worker (TW). L'autre version possède 70 questions et un 9 ième rôle, Specialist (SP). Ce rôle permet de détecter les gens qui répondent selon le biais de la désirabilité sociale. Avec la forme originale de réponses dite ipsative, le répondant doit distribuer un certain nombre de points en jugeant les éléments de réponse les uns par rapport aux autres. Cette méthode est plus compliquée à remplir par le répondant et restreint la quantité d'informations que le chercheur peut en tirer. Ainsi, le BTRSPI a été modifié sous la forme de l'échelle de Likert. Ceci implique qu'on utilise une échelle de 1à 5 pour chacun des énoncés, en les évaluant donc individuellement, en exclusion des autres. De plus, il a été prouvé que la forme choisie n'influence pas les résultats obtenus.
HBDI
Pour répondre au 4 ième objectif de cette étude, le Herrmann Brain Dominance Instrument (HBDI), un test de type métamorphique a aussi été donné au répondant, en plus du BTRSPI. Grâce au HBDI, il est donc possible de déterminer la spécialisation hémisphérique d'un individu et donc sa façon de penser. On classe les individus selon le pointage obtenu pour chacune des quatre parties du cerveau. On retrouve ces quadrants :
(A) cérébral gauche = individu logique et rationnel ; (B) système limbique gauche = pensée contrôlée et organisée ; (C) système limbique droit = individu expressif et aimant les relations interpersonnelles ;
(D) cérébral droit = pensée imaginative et innovatrice.
Observations
Les observations suivantes correspondent aux cinq objectifs de l'étude :
1-D'après l'analyse factorielle effectuée sur les résultats obtenus lors des tests, les trois facteurs obtenus sont différents des trois de Furnham ainsi que des quatre décrits par Belbin.
2-La différence observée entre les rôles joués dans un groupe est reliée au choix de carrière. En effet, les individus en administration et en counselling & orientation étaient catégorisé comme Team Worker (TW = 24% et 50%) tandis que les gens de génie étaient classé comme Implementer (IMP = 33%), Co-ordinator (CO = 19%) ou Shaper (SH = 19%).
3-Il y a une différence entre les femmes, qui se caractérisent comme Team Worker (TW = 45%, peut-être expliqué par l'éducation reçue et l'influence de la société) et les hommes, qui sont plutôt Implementer (IMP = 25%) ou Co-ordinator (CO = 23%).
4-Il n'y a pas de lien entre les quatre hémisphères du cerveau selon le HBDI et les 9 rôles du BTRSPI.
5-Les résultats obtenus avec le HBDI, au niveau de la caractéristique "introverti-extroverti" des individus, sont à l'opposé des résultats du BTRSPI, et ce avec les mêmes individus. Ainsi, soit les répondants ne se perçoivent pas de la bonne façon, soit la classification de Belbin est inadéquate.
Limites de l'étude
Suite aux observations effectuées, les auteurs mentionnent aussi les limites de leur étude :
1-Dans le BTRSPI, il n'y a pas de lien direct entre les énoncés du test et les rôles joués dans un groupe.
2-Le test de Belbin n'a pas été validé de façon empirique ou théorique.
3-Le BTRSPI n'a pas été administré dans sa forme originale.
4-Le nombre de répondants était assez limité.
5-Les étudiants choisis étaient au baccalauréat, donc avait peu d'expérience de travail en groupe.
Conclusion
L'étude vient remettre en question les 4 dimensions de Belbin (négociateur, manager-travailleur, intellectuel, et leader) pour plutôt préconiser le choix des membres d'une équipe en fonction des facteurs suivants : la connaissance du travail à faire, l'habileté à communiquer avec les autres membres, la capacité à résoudre les problèmes. Parallèlement, cette étude supporte l'hypothèse de Belbin selon laquelle les rôles sont des entités distinctes et que chaque personne peut en jouer plusieurs mais, que chacun préfère se limiter à ceux faisant appel à ses habiletés naturelles ou qui ont fait l'objet d'éloges dans le passé. Ainsi, pour les managers en charge du projet, il apparaît clair que la sélection des membres qui sont prêts à s'adapter à un rôle spécifique, voire même plusieurs, est possible. Le manager a donc la capacité de bâtir une équipe avec les caractéristiques désirées pour assurer le succès du projet de construction. À lui de faire un choix équilibré pour répondre aux besoins du client. Par ailleurs, d'autres recherches seront nécessaires pour trouver une explication aux observations qui ont été faites grâce au BTRSPI ; par exemple la distinction au niveau du rôle dans l'équipe entre disciplines professionnelles ou entre sexes.